Jonathan Bell, compositeur en résidence

L’ensemble Sillages inaugure en 2021-2022 un nouveau mode de relation avec les créateurs et créatrices : la résidence de composition.
Le compositeur Jonathan Bell est invité à une collaboration rapprochée avec l’ensemble sur une diversité d’actions, développée sur six axes.

 

Outre la commande d’une nouvelle œuvre, dont la création mondiale impliquera des musicien.ne.s de trois ensembles internationaux, – Sillages (Brest), Collegium Novum (Zürich), der Gelbe Klang (Berlin) -, l’ensemble Sillages confie à Jonathan Bell d’accompagner les élèves de chaque niveau du collège Anna Marly dans un chemin de création et de composition, dans le cadre d’une troisième année de jumelage entre l’établissement scolaire et l’ensemble.

Jonathan Bell, chercheur associé depuis 2017 au laboratoire PRISM-CNRS, interviendra également pendant le festival Art & Science organisé par l’Université Brest Occidentale, le festival Ressac (du 7 au 11 mars 2022) sur l’état de ses travaux mêlant musique et intelligence artificielle.

Le compositeur proposera des avants-concerts sur certaines productions de l’ensemble, et mènera des master classes à l’intention des étudiant.e.s du Conservatoire à Rayonnement Régional de Brest Métropole. Il est l’interlocuteur privilégié de l’ensemble Sillages sur diverses questions ayant trait à la création et aux nouvelles technologies : il bénéficie du soutien, de l’accompagnement, de la diffusion et de l’intérêt de l’ensemble sur l’évolution de ses travaux.

Confidence musicale avec Jonathan Bell :

Quel est ton premier souvenir de composition ?

C’était en cours de piano : je n’avais pas bien compris la consigne, je croyais qu’il fallait écrire un morceau, et ce n’est pas ce qu’avaient fait les autres élèves… j’avais du mal écouter la consigne !

Quelles langues parles-tu ? Quelles sont les langues que tu inventes, si tu en inventes ?

Je parle anglais presque bien (j’ai écrit une thèse en anglais, ce qui a été à la fois passionnant et douloureux). Je n’invente pas de langue mais je suis toujours très frappé par le caractère, l’imaginaire qui va avec une langue, le dernier opéra de Kaija Saariaho, Innonce, joue beaucoup là-dessus. Pour ma part dans une pièce récente j’ai juxtaposé du français de l’anglais et de l’espagnol, ça m’a beaucoup plu, je le referai probablement :

Quelle est l’idée musicale ou l’image musicale la plus surprenante et inattendue qui te soit passée par la tête jusqu’à présent ?

Je pense que mon idée la plus surprenante est cette sorte de « fête costumée » avec des chanteurs semi-professionels : Deliciae (Seville).

C’est une pièce plein de maladresses dans la scénographie, peut-être dans la musique aussi, et pourtant je continue d’apprécier son côté « hors série ».

Quel est ton plus gros défaut, en tant que compositeur ?

Je suis légèrement obstiné… À cause de cela, je n’ai peut-être pas su me nourrir de mon environnement, lors de mes études au conservatoire de Paris par exemple.

En quoi ce défaut est-il une qualité ?

Bernard Lang conseille de façon amusante aux jeunes compositeurs de ne pas écouter les avis des autres.

C’est paradoxal de ma part, d’avoir fait 15 ans d’études pour ne pas écouter le professeur (c’est sûrement pour cela que cela a pris si longtemps…), mais je crois que Bernard Lang a raison, les modes changent si vite, de plus en plus vite. Il est rassurant d’écouter quelque chose qui soit vraiment « à soi », plutôt que de « suivre la vague ».

Quelles sont les compositrices, les compositeurs dont la démarche et les créations ont été les plus marquantes dans ton parcours ?

J’en ai déjà parlé : Morton Feldman. Il a été comme un gourou pour moi pendant mes études à Londres, sa musique est pour moi ce qu’il y a de plus beau. Le personnage est très attachant et le contexte artistique dans lequel il a vécu très important (New York, après la deuxième Guerre mondiale). J’aime beaucoup ses conversations avec Cage et ses écrit, dans lesquels il parle notamment de son rapport à la peinture : « What was great about the fifties, is that for a brief moment, maybe six weeks, nobody understood art. »

Sur quoi travailles-tu en ce moment ?

J’ai parfois l’impression que cela fait cinq ans que j’essaie de jouer un fichier son exactement sur deux ordinateurs connectés par internet. C’est très technique, mais en même temps assez incontournable pour ce que je fais (disons des « partitions en réseau »).

Comment as-tu rencontré l’ensemble Sillages ?

J’ai rencontré Gonzalo Bustos à l’Ircam. Nous nous sommes croisés à plusieurs concerts et nous avons tout de suite beaucoup sympathisé. Gonzalo a d’ailleurs écrit une pièce assez géniale pour cajon et électronique. Du point de vue de l’instrumentation, c’est un sacré défi !

Comment imagines-tu cette résidence auprès de l’ensemble ? Quelles sont tes envies ?

J’aimerai trouver le moyen d’échanger au plus tôt avec les élèves. Je serai sur place plusieurs semaines – donc assez longtemps – mais sur un temps très resserré. J’espère donc arriver à échanger avec eux et leurs encadrants pédagogique au plus tôt. J’aimerais leur proposer une thématique autour de l’auteur Terry Pratchett que j’aime beaucoup, mais il faudrait voir s’ils accrochent ou non en amont…

Es-tu plutôt mer ou montagne, et pourquoi ?

J’ai passé quelques temps à Nice (pour une création avec toutes sortes de lunettes) : il y a les deux là-bas, est-ce que cela répond à la question ?

 

 

Biographie

Jonathan Bell (1982) est compositeur. Sa musique porte l’influence des polyphonistes franco-flamands, du minimalisme américain (Morton Feldman), et de la musique spectrale. Il est diplômé du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris (4 prix), et de la Guildhall School of Music & Drama (Doctor of Music in composition). Depuis 2007, il collabore avec l’ensemble De Caelis, qui produit sa musique dans de nombreuses scènes nationales et festivals (Île-de-France, European church music Festival), à France Musique, et en collaboration d’autres ensembles (Links, Maîtrises de cathédrales). En Allemagne, il reçoit des commandes des ensembles Zafraan (Berlin) et SKAM (Stuttgart). En 2014-16, il suit le cursus de l’Ircam, où il développe l’application web SmartVox, dédiée à l’interprétation de polyphonie vocale assistée par ordinateur. Il est depuis septembre 2017 enseignant en musicologie à Aix-Marseille Université et chercheur au laboratoire PRISM-CNRS. En 2018 il est résident à la Casa de Velasquez/membre de l’académie de France à Madrid et participe aux symposiums internationaux de computer music ICMC, NIME, TENOR, CMMR et SMC.